Enfant, on m’a appris qu’il existait des voix qui chantent, et d’autres qui crient. Que celles qui chantent apportent sérénité. Que celles qui crient apportent détresse. Aujourd’hui, ces deux voix me parlent sans que je puisse les distinguer.
Comme dans un rêve. Le vrai et le faux se mêlent. Le bon et le mauvais s’entrelacent. L’illusion et la réalité se fondent. Une seule vérité reste limpide: les rêves ne sont complets que lorsqu’ils se réalisent. Alors rêvez, et osez vos rêves.
Prenez une seconde pour vous, et lisez ce qui suit attentivement. Un rêve ne demande qu’une chose: transpercer la barrière du fictif. Alors pourquoi avons-nous tant de rêves qui ne se matérialisent pas? Parce que nos démons nous enchaînent. Parce que nos peurs nous soumettent. Lorsque la peur nous enlace, sa fonction de réflexe de survie se transforme en mécanisme d’inertie. Elle nous coupe les ailes. Elle sape la réalisation de nos rêves.
What would you do if you weren’t afraid? Cette phrase me tourmente. Et pourtant, les courses d’alpinisme entreprises par Luigi et moi-même nous poussent naturellement à gravir le mont Blanc par son voyage mystique: l’Intégrale de Peuterey.
L’intégrale de Peuterey: probablement l’arête des Alpes la plus engagée, avec certitude la plus longue, et unanimement considérée par la communauté des alpinistes comme un must do. L’Intégrale de Peuterey, c’est 4’500 m. de dénivelée d’arêtes présentant un concentré d’alpinisme classique: arêtes et grimpe technique en rocher, mixte et structures de neige effilées, bivouacs de fortune, rappels engagés, couloirs péteux, face de caillasses interminable, face en glace pète-mollets, corniches à percer, 5 sommets d’anthologie dont 4×4’000, et surtout, une voie impériale pour accéder au sommet du mont Blanc. L’Intégrale de Peuterey n’est pas uniquement une course qui permet d’accéder au toit de l’Europe, c’est un voyage qui vous mène au bout du monde.

En termes d’énergie mécanique, nous avons grillé 25’000 kcal. En comparaison maladroite (et quelque peu incongrue), un coureur d’iron man dépense environ 8’000 kcal. Ce chiffre est similaire à l’effort d’une grande Patrouille des Glaciers reliant Zermatt à Verbier. L’Intégrale de Peuterey représente ainsi (toutes proportions gardées) 3 fois ce chiffre, réparti en 3 jours: 3 iron man ou 3 grandes Patrouille des Glaciers alignés à la suite.

En termes de technicité, c’est moins impressionnant: 5c max en cotation alpine entrepris en grimpe traditionnelle. Pourtant, ajoutez à cette aventure l’altitude, le froid, l’engagement, 15 kilos de matériel de grimpe, de bivouac et les vivres pour 3 jours, et la cotation technique devient tout de suite relative. Bon, ok, c’est pas « Divine Providence », mais on est pas tous des mutants.

Nous partons du parking de Peuterey dans le Val Veny à J0 pour rejoindre le refuge Borelli, et faire une reconnaissance de l’attaque de la voie. Au final, on a surtout reconnu notre estomac. Parce que oui, avant une grande course, c’est le rite traditionnel: manger un maximum de gras et de sucre en sélectionnant les aliments au rapport calories/poids à faire rougir Weight Watchers. Gruyère, lard, couscous et 1kg de brownies.

On se lève à 4h du matin. Luigi me rappelle qu’on est vendredi, et qu’à cette heure, on aurait pu être au Bar du rink à boire des binchs et discuter avec les jolies filles du Montreux Jazz. Ouais. Ce qui ne nous empêche pas de conclure qu’on est mieux ici que là-bas. Car rien n’est plus sexy pour un alpiniste que de flirter avec la voie de ses rêves.

Il est 5h du mat, l’aurore aux doigts de rose contraste avec la morsure du froid. Luigi est chaud pour leader les premières longueurs. Je lui cède le terrain, non sans une irréductible envie de lui chaparder le témoin.
On attaque la première partie de la course: une arête en rocher impeccable présentant de multiples pics menant à l’Aiguille Noire de Peuterey (3’773 m.). Les premières longueurs grimpent déjà. Je suis la corde en second en mode automatique, bercé entre mes pensées existentielles et le fait que je viens de réaliser que j’ai oublié de vider la poubelle avant de partir. Sur cette belle lancée, je me retrouve alors sur une dalle avec une sortie déversante. Mes mains tiennent des réglettes fuyantes, et mes pieds patinent dans cette dalle au caractère plutôt lisse (pensez à l’huile sur le teflon). Je me compare allègrement à un chaton qui essaie de choper le saucisson dans une armoire suspendue. C’est un peu une mauvaise façon de débuter ce long périple. Un peu comme quand t’as un date avec une jolie fille et que tu as oublié son prénom: t’as pas beaucoup de chance de conclure. Bref, je suis en train de faire du fingerboard dans la voie la plus engagée de ma modeste vie d’alpiniste. Je me fais surprendre par une sorte de mélange à mi-chemin entre la maladresse et le pathétisme. Vous pensez bien, ce mélange, c’est moi qui l’ai créé. Luigi est lui-même sur une section compliquée. Nous sommes bien sûr en corde tendue, et je commence à dauber. Mes bras sont en feu. Je jette un oeil à droite, et à travers la noirceur de la nuit, j’aperçois une prise positive. Et là, dans ma tête, c’est « sea, sex and sun ». Je revis.

On passe le Pic Gamba, on continue sur la Pointe Bifide. On décide alors de mettre les chaussons. On avance bien plus vite. Bien sûr: essayez de courir un marathon avec des chaussures de ski. C’est pas idéal. La même chose pour gravir une course interminable avec des grosses chaussures d’alpi. Avec les chaussons, on enclenche le mode Usain Bolt (avec 3 secondes de plus au 100 m.).

Luigi pense aux filles du Jazz. On se demande pourquoi la gent (junte ça va aussi) féminine est si peu représentée au sein de la communauté des alpinistes. Nous ne trouvons pas de réponse pour l’instant. Parce qu’après tout, notre incapacité masculine à entreprendre 2 choses en même temps nous rattrape (même si elle ne nous a jamais vraiment quittés).


Pointe Welsenbach. On commence à sentir l’effort. Pointe Brendel: le passage au 5e degré passe bien en corde tendue. On est en confiance. Pointe Ottoz: ça engage la viande. Je me trompe d’itinéraire et je finis par avoir un tirage de porcin sur ma corde: j’ai l’impression de treuiller Pierre Ménès au sommet de l’Everest. J’invoque Odin. Ca marche. Mes bras se transforment en pistons hydrauliques. Je trouve alors la force de fabriquer un relais et de faire monter Luigi. Pointe Bich: toujours pas de filles. C’est le désert de Gobi. On a la gorge en feu, mais on ose pas trop boire, de peur de ne pas avoir assez d’eau au sommet pour manger nos lyophilisés aux arômes E407.





Un dernier rappel et quelques crapahutages, et nous voilà au sommet de l’Aiguille Noire de Peuterey (3’773 m.). Il est 17h. Mon ventre m’insulte si fort que j’ai presque envie de lui dire « ta gueule ». On a rien mangé depuis 4h du mat. Il nous faut de l’eau pour fabriquer à manger. On finit par trouver un ridicule névé de la taille d’une assiette, suspendu dans le vide intersidéral de la face Nord de la Noire. Je mouline Luigi et on arrive à en extraire 1.5 litres d’eau. Bref, on a porté nos 3 litres de flotte chacun juste pour le plaisir de grimper léger. C’était inutile. On est d’autant plus fiers.

Sur les 3 cordées parties ce matin pour la Noire, nous sommes les premiers à être arrivés au sommet. Pas de pitié, le meilleur (ou plutôt le moins pire) emplacement de bivouac est pour nous. On mange un morceau, on boit un jus de pive en regrettant de ne pas avoir remplacé nos 3 litres d’eau par de la bonne vieille Anker de chez Coop. On demande à la cordée d’Allemands s’ils ont pris des bières. Ils nous regardent bizarre. On s’enfile dans nos sacs de bivouac et on éteint notre moulin à conneries en lisant le topo des rappels de la Noire (et en invoquant Jésus, Marie et Joseph). Mon lit et mon duvet à Lausanne m’envoient un texto pour me demander où je suis. Je réponds que cette fois-ci, j’ai la double permission de minuit.

5h du mat. Le réveille sonne en provoquant un soulagement intense de mon système psycho-nerveux. Il y a de quoi, je vais enfin pouvoir décongeler mon corps en le pendant dans le vide sur des pitons qui ont l’âge de Bonatti.
Les rappels de la Noire… Ma bête noire. Jamais une ligne de rappels ne m’aura autant fait flipper. L’idée de m’imaginer pendu dans cette face me glace. Peut-être parce que le matériel in situ est aussi fiable qu’une Lada Niva produite en fin de série mensuelle (avant la chute du Mur, bien sûr). Nous nous sommes levés à 5h afin de ne pas prendre les rappels de nuit. Et c’est là que le guide de la cordée italienne nous annonce la plus belle nouvelle de l’histoire de mon existence : une ligne a été ré-équipée sur spits de 12 mm et cordelettes rouges et blanches sur toute la ligne des 18 rappels. Ils font entre 25-30 m, ce qui permet de ne pas coincer la corde. Avoir pris 2 cordes de 60m ne nous a donc servi à rien, si ce n’est à nous lester encore un peu plus. A l’écoute de cette nouvelle, je dois toutefois avouer que mon cœur balance entre un soulagement monumental et la déception de ne pas avoir à vivre l’expérience anxiogène à mi-chemin entre crises d’épilepsie, syncopes nerveuses et hystérie survivaliste.


2h plus tard, nous arrivons au pied des Dames Anglaises. Nous faisons une pause afin d’enlever nos doudounes et parler de la métaphysique de nos apoptoses cellulaires. La discussion se transforme en séminaire, et les 2 autres cordées en profitent pour nous doubler. Nous repartons. Très vite, notre soulagement cède la place à l’anxiété. Les Dames Anglaises, c’est les portes du Mordor. La Grande Faucheuse te guette. Son spectre te nargue en attendant ton faux pas. L’ambiance est anxiogène. Nous sommes aux portes du royaume des oubliés. Tout est gris, humide, froid, délité, pourri. Les malheureux qui ici ont péris poussent des cris de l’Au-delà. L’Enfer de Dante en est le théâtre. La Marche funèbre de Liszt en est la musique. Le souffre en est le parfum. La pourriture en est la texture. Le rance en est le goût.

J’attaque une traversée dans laquelle des blocs ne semblent tenir que par la force du raisonnement. Vient ensuite la première longueur du couloir Schneider menant à la brèche des Dames Anglaises, là où se trouve perché le bivouac Craveri. Rien ne tient. Tout bouge. J’ai froid. J’ai peur. Je soigne mes prises et mes appuis. Les 2 cordées de devant tirent des longueurs. Nous, nous sommes partis pour tout faire en corde tendue afin de les doubler et se mettre à l’abri des chutes de pierres. On déchante bien vite. Les 2 guides grimpent sans trop parpiner, alors que les clients ne se soucient absolument pas de ce qu’ils font dévaler sur nos petits corps insignifiants. Les pierres sifflent. On ne peut pas risquer de les doubler dans de telles conditions. Je n’ai plus de matériel. Je fais un relais et je laisse Luigi poursuivre. Vient alors le récit de la bataille des Thermopyles. C’est le Vietnam. J’ai l’impression de faire un exercice à balles réelles de « feu et mouvement » avec des chars de combat. Même méthodologie : je reste à couvert jusqu’à ce que Luigi m’indique que la voie est libre (comprendre : les pierres sont passées, tu peux monter). Tête baissée, je pratique le speedclimbing en terrain délité pour minimiser mon temps d’exposition. Luigi crie : « pieeeeeeerres », et je me remets à couvert. C’est le bombardement. La vraie baston. Bagdad. Je vous jure que quand une vingtaine de pierres de la taille de ton poing te passent à côté après 100 m. de chute, ça siffle comme des balles de 12.7 mm. Merde. J’ai pas envie de mourir ici. Dans de tels moments, l’adrénaline que sécrète ton corps te met dans un état de conscience et d’alerte qui te transcende. Tu es en guerre, et ta seule volonté est de survivre. Et pour y arriver, tu donneras tout ce que t’as.
Luigi fait un relais décalé de l’axe du couloir juste avant la brèche. Sa clairvoyance m’a sauvé. Quelques minutes plus tard, un mauvais appui fait décarreler des micro-ondes de rocs. Ils dévalent dans le couloir en déchiquetant tout sur leurs passages. L’odeur de pierres cassées éveille en moi les mauvais souvenirs alpins d’incidents ultérieurs évités. Luigi n’a pas été touché, moi non plus. Sous l’émotion, ses larmes montent : « Des fois, ça ne tient pas à grand-chose », dit-il. « Je sais, je réponds, mais tu as fait ce qu’il fallait faire». On fait une pause émotion à Craveri, et je reprends le lead pour la fin des Dames Anglaises.


Les Dames Anglaises, c’est fini. Tant mieux, Kate Moss et compagnie, ça n’a jamais été mon style. On attaque alors l’interminable face Sud menant au dôme de neige de l’Aiguille Blanche de Peuterey. Imaginez une face de caillasses délitées dont la largeur et la hauteur dépasse le champ du visuel. Voilà notre terrain. On grimpe désencordés afin de gagner du temps. La grimpe n’est pas dure, mais ici encore, il faut soigner ses prises et ses appuis. Il n’y a pas grand-chose qui tient.
On arrive enfin sur le dôme de neige de l’Aiguille Blanche de Peuterey, après 4h de crapahutages dans cette face interminable. On met les crabes pour la première fois de la course. Oui, parce qu’avant ça, on s’est tapé 3’000 m. de dénivelé avec ces 3kg d’inutilité sur le dos. Les bestiaux crampons/piolets sont maintenant tout contents de servir. Le sommet du dôme dévoile le paysage elfique des mystiques arêtes de neige effilées de l’Aiguille Blanche de Peuterey. Si le Walhalla existe, il est ici et maintenant.


Pérégrinant tels des funambules, nos crampons mordent la neige éternelle des hautes solitudes. Arête de la Blanche, un fil dressé vers le ciel. 1’000 m à gauche, 1’000 m à droite, et 2 bonhommes au centre de leur vie d’alpiniste. Sensation de plénitude, accomplissement absolu. Ataraxie de l’âme. Ascèse de l’esprit. Sur cette arête, je verse des larmes de gratitude. Sur cette arête, j’ai touché la pureté de la joie originelle.

Après une longueur de grimpe, nous arrivons au sommet de l’Aiguille Blanche de Peuterey (4’112 m.). Sans dire mot, Luigi s’allonge et pique une sieste. Je reste à ses côtés.

Je contemple la danse des nuages. J’observe la synchronie des anges. Pour un court instant, ils me parlent de leur silence. Vient ensuite leur reine, écartant les nuages par la force de sa quiétude. Le mont Blanc est en face de moi. La déesse me parle: « Tu es monté à moi. Tu m’as vu nue. Tu me désires. Mais j’ai encore envie de jouer avec toi ».

Je sors de mon auto-hypnose, et je réveille Luigi. Nous devons encore descendre les rappels de la Blanche, construire notre bivouac, nous hydrater, manger, et préparer la journée suivante. Il est 18h. 2 heures plus tard, nous voilà au col de Peuterey.



J’entends des voix. J’ouvre les yeux. Je vois un ciel limpide. Les étoiles brillent plus fort qu’ailleurs. Je réveille Luigi. Il est 4h10. Le réveille de 3h n’a pas sonné. On se lève, on déjeune une mousse de caramel-amareto dans notre sac de bivouac, et on se prépare à partir. Sur la face Nord de l’Aiguille Blanche de Peuterey, des lampes frontales contrastes avec la noirceur du froid de cet univers minéral.

Le silence me comble. Parfois, le manque est meilleur que l’opulence. Parfois, l’absence est meilleure que la présence. Tous ces bruits qui te brouillent. Toutes ces possessions qui te dépouillent. Tous ces acquis qui t’aliènent. L’âme dénudée sait que tout ce que tu possèdes finira un jour par te posséder. Ce matin-là, c’est l’aurore aux doigts de rose qui me l’a chuchoté. Elle m’a transcendé. Elle a caressé mon âme dans sa plus simple intimité. Ce matin-là, j’ai eu réponses à toutes mes questions.

Nous grimpons en direction du sommet du Grand Pilier d’Angle (4’243 m.). La mer de nuage tapit les plaines. Le Soleil brûle. Nous attaquons ensuite l’arête finale menant au sommet du mont Blanc de Courmayeur. Mais avant, il s’agit d’affronter l’ultime face Sud partiellement en glace. Je prends le lead. Je grimpe trop proche de la paroi. Oui, parce que pour entreprendre ce périple, j’ai décidé d’être le plus léger possible. Je n’ai donc pas pris de brosse-à-dents. Grimper une face avec sa face à 20 cm de la glace, c’est la meilleure façon de tester son hygiène buccale. C’est Chernobyl dans ma bouche. Je manque de glisser tellement c’est insupportable.







Mont Blanc de Courmayeur (4’748 m.). On perce la corniche et on sort des difficultés. Quel soulagement. Il ne manque plus que la randonnée alpine menant au sommet du mont Blanc (4’810 m.), ainsi que la descente sur l’Aiguille du Midi par la voie normale des 3 Monts.


Les courses de montagne de nos rêves nous paraissent d’abord si inaccessibles. Vient ensuite l’accumulation des expériences, celles qui dévoilent les vecteurs-clé de l’alpinisme: l’enthousiasme et la lucidité. Contremaîtres du chantier des rêves, enthousiasme et lucidité transforment le fictif en réalité. Le rêve et son accomplissement coïncident alors subitement. Nous avons tous quelque part en nous une passion qui ne demande qu’à éclore, grandir et fleurir. Cette passion, c’est notre Feu. Peu importe sa nature. l’Homme ne s’accomplit que lorsqu’il se laisse guider par son Feu. Trouvez-le. Votre vie changera. L’Alpinisme. Voilà le nôtre.
L’alpinisme se suffit à lui-même. On croit qu’on part faire de la montagne, mais bientôt, c’est la montagne qui nous fait, ou nous défait. Les objectifs sont personnels. Que ce soit sur l’arête des Cosmiques ou sur Divine Providence, là-haut, il n’y a ni la place pour la compétition, ni pour les dossards. La seule compétition, c’est celle que tu fais avec toi-même.
Accepter d’avoir soif, faim, froid, chaud. D’avoir des moments d’enthousiasme, comme d’autres de désespoir. Ressentir la peur de la mort, pour ensuite sentir le souffle de la vie. Etre exténué, mais trouver la force de continuer. Vivre une course d’alpinisme, c’est passer par tous les états d’âme. Sur l’Intégrale de Peuterey, mes yeux ont vu en 3 jours ce que toute une vie d’Homme peine à collectionner.
Durant ce voyage, j’ai tué mon moi pour ressusciter en sur-moi. J’ai porté mes cendres jusqu’au sommet du mont Blanc, et j’ai dit adieu à mes anciennes peurs. Aujourd’hui, j’ai fait le tri de ce qui me pollue. J’ai nettoyé mon âme, pour ensuite l’exécuter. De sa dépouille, de ses cendres, est né une nouvelle version de moi-même. L’alpinisme est une histoire de lutte contre soi-même. Une fois vaincu, notre moi n’est plus. Overcoming your man, to become your overman. Aujourd’hui, je sais que ce travail de Sisyphe, cet éternel recommencement, cette mue, cette réinvention de soi est une progression de l’esprit. Car ma paix se construit sur mes propres cendres que je traîne dans mon sillage.
Enfant, on m’a appris qu’il existait des voix qui chantent, et d’autres qui crient. Que celles qui chantent apportent sérénité. Que celles qui crient apportent détresse. Aujourd’hui, ces deux voix me parlent sans que je puisse les distinguer.
Aujourd’hui, la montagne m’a appris que le noir n’est pas si noir, si bien que le blanc n’est jamais immaculé. Les voies qui chantent apportent la paix, mais enferment aussi dans la torpeur. Les voies qui crient apportent détresse, mais te transforment aussi en meilleure version de toi-même. Aussi, lorsque tu as vécu la parfaite douleur de l’amour, tu sais que les voies qui chantent te trompent parfois. Lorsque tu as vécu la délivrance de la séparation, les voies qui crient sont aussi capable de te caresser. Les certitudes ne se dynamitent que par elles-mêmes.
La montagne m’a appris que nos peurs sont des voies qui crient. Ces voies sont nos démons. Que si nous manquons de les affronter, ils dicteront nos vies. Que si nous sortons de notre zone de confort, l’apprentissage s’incarne en délivrance.
La montagne m’a appris qu’il ne sert a rien d’essayer d’apprivoiser nos démons. Car ils seront toujours là. Mais il est toujours possible de les tenir en laisse.
Les montagnes n’ont rien à nous dire. Allons-y pour entendre ce qu’il y a de meilleur en nous.

bravo …..
Donc la traversée apres la Blanche sur cette arete incroyable ….. Pas encordé ?
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Encordés, oui. On s’est pas encordés pour la face Sud de la Blanche, entre les Dames Anglaises et le dôme de neige de la Blanche.
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Waow ! J’ai vécu cette course avec vous ! J’en ai encore des frissons… Ca fait rêver, on se sent s’envoler et s’élever. Il y a définitivement une dimension spirituelle (pas nécessairement religieuse toutefois) dans la montagne, l’âme l’esprit et le corps se réconcilient pour n’être qu’un seul être mêlé au tout. Quel sentiment d’harmonie et d’évidence …
Merci pour cet article !
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Merci pout tes commentaires! Les montagnes, c’est avant tout des rêves. Et ces rêves, on peut les partager. C’est une autre façon de pratiquer la montagne 🙂
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Superbe témoignage!
Les larmes me montent lorsque enfin des mots expliquent l’inexplicable!
MERCI et un grand bravo!
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Merci pour tes mots! Ca me motive a partager 🙂
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